samedi 25 février 2012

«Piano mal» de Julien Sagot: du talent à revendre

Percussionniste de Karkwa et Français d’origine, Julien Sagot, à l’heure où sa formation maîtresse se retire pour une période indéterminée, revient à la charge avec Piano mal, un projet solo décoiffant et d’une nature plus personnelle.

Le chant rauque de l’auteur-compositeur-interprète, que l’on n’entendait qu’à l’occasion sur les mélodies de Karkwa, alterne la chaleur naturelle de Stefie Shock et la raideur somatique des mélodies sombres de Yann Tiersen, surtout sur le très expérimental «Dust Lane». Musicalement parlant, Piano mal, dont le titre évoque une sculpture de l’Allemand Joseph BeuysInfiltration homogène pour piano à queue»), fait montre d’une grande expressivité au niveau de l’orchestration et de la recherche stylistique et poétique. Cet album est certes plus personnel, mais néanmoins influencé par l’éclatement psychédélique de Pink Floyd, le surréalisme (courant artistique défini par André Breton dans la première moitié du XXe siècle) et les différents concepts littéraires (écriture automatique, cadavre exquis).

Sagot s’est en effet distancié de l’écriture karkwaienne (l’amour, la pauvreté, la mort, etc.) – réflexe tout à fait normal par ailleurs – pour se concentrer sur une poésie davantage personnelle, instantanée et bucolique («Le temps des vendanges», «La vieille taupe»). Et c’est probablement la raison pour laquelle Piano mal a été autant acclamé par la critique lors de sa lancée au La Tulipe le 1er février dernier. La chanson «Le trucifié», en ouverture, met de l’avant des arrangements éclatés et épars (distorsion dans la voix, murmures gutturaux, tambours aléatoires, notes de guitare et de piano résonnant presque au gré du hasard), alors que «La vieille taupe» s’apparente davantage à une fable chantée, avec son humour noir et sa rythmique sautillante. L’espace-temps entre les chansons est difficile à cerner, car le percussionniste de Karkwa s’est largement amusé avec les registres en jonglant avec la musique rock, acoustique, expérimentale et poétique.

Ce premier album solo, à travers lequel on reconnaît les qualités du chanteur folk montréalais Leif Vollebekk et du guitariste-réalisateur Simon Angell (Patrick Watson, Thus:Owls), est l’interlude parfait en attente des grandes retrouvailles. Pour l’heure, longue vie, Sagot.

Appréciation: *** 1/2

Julien Sagot
«Piano mal»
Simone Records

Écrit par Éric Dumais le 24 février 2012 dans la Bible Urbaine

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