jeudi 26 janvier 2012

Les compositions de Julien Sagot sont des balles courbes lancées avec audace et assurance

"Salut, Sagot" par Olivier Robillard Laveaux

Photo : M. William Rondeau
Pendant la prochaine année, le percussionniste Julien Sagot devra apprendre à vivre sans Karkwa. Un processus amorcé avec la parution de son album Piano mal.

Nous avions découvert sa voix grave et son accent trahissant ses origines françaises sur les albums de Karkwa. Il y chantait La mouche, Pili-pili et Au-dessus de la tête de Lilijune, des titres qui, de l’aveu même de Julien Sagot, détonnaient parfois dans le répertoire du groupe au sein duquel évolue le percussionniste.

"Contrairement à ce que ça laisse penser, je ne composais pas énormément avant de me lancer dans l’écriture de mon premier album solo", révèle le musicien. Intitulé Piano mal, un titre inspiré par une sculpture de l’Allemand Joseph Beuys (Infiltration homogène pour piano à queue), le disque comprend des chansons écrites au cours des deux dernières années. "Je les trouvais trop personnelles pour les proposer au groupe. De toute façon, je n’étais pas pressé de les enregistrer parce que j’étais satisfait de la tournure des événements pour Karkwa. Mais après quatre ou cinq ans de tournée et de studio, la fatigue commençait à s’installer dans le groupe. Alors plutôt que d’aller laver de la vaisselle dans un restaurant pour gagner ma vie, j’ai décidé de sortir un album solo."

Ainsi, malgré la couverture médiatique, les honneurs, le succès critique, les 40 000 exemplaires vendus des Chemins de verre et les nombreux concerts, les membres de Karkwa n’ont pas le luxe de s’offrir une courte pause sans tracas financiers. "C’est pour ça, la pub de Coke", répond Sagot du tac au tac. "Si nous avions vendu 100 000 disques, nous ne l’aurions probablement pas fait, mais nous avons des familles à nourrir. Des familles que nous avons mises de côté pendant de longues années. On partait à la conquête d’un public, il fallait faire des sacrifices, mais il faut être jeune pour vivre cette situation. Lorsque Karkwa reviendra, le rythme sera moins éreintant."

Pour Julien Sagot et ses collègues, le temps est venu de prouver qu’ils peuvent vivre en dehors du vaisseau Karkwa, "comme si Céline devait apprendre à vivre sans René". Pour s’émanciper, le compositeur a couché ses pièces sur ruban en compagnie du Montréalais Leif Vollebekk et du guitariste/réalisateur Simon Angell (Patrick Watson, Thus:Owls). "Je suis allé les chercher pour qu’ils m’aident à ouvrir l’horizon de mes chansons. J’aime les ambiances sombres et mystérieuses que Simon crée en passant ses guitares dans différentes réverbérations. C’est la même chose pour les textures sonores de Leif. C’est toujours bien dosé, de bon goût."

Ancrées dans un registre vaporeux, parfois expérimental, les compositions de Julien Sagot sont des balles courbes lancées avec audace et assurance. On pense d’abord à la cérébralité d’Arthur H, à la tension de Serge Gainsbourg et aux déflagrations psychédéliques de Pink Floyd. On y découvre un compositeur attiré par la force hypnotique d’un motif mélodique répété. "Je crois que ça vient de mon amour pour les musiques tribales, explique-t-il. Ces musiques sont simples, mais transcendantales. J’adore cette naïveté. Elle m’a permis de comprendre qu’on pouvait faire de la musique avec n’importe quoi. Tant qu’il viendra du coeur, le résultat sera bon."

Julien Sagot, Piano mal, (Simone Records)
En vente le 31 janvier


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