samedi 28 janvier 2012

Julien Sagot: l'art de voir la musique

Voyant la pause arriver avec Karkwa, le percussionniste du groupe, Julien Sagot, s'est lancé dans l'aventure solo avec l'album «Piano mal», un recueil de pièces inspirées par le surréalisme.
(Photo Patrick Cormier)
(Québec) Julien Sagot a beau faire de la musique, il est sans contredit de type visuel. Avec son premier album solo, Piano mal, en magasin mardi, le percussionniste de Karkwa a brodé des pièces faites d'images et d'évocations, des tableaux folk rock résolument li bres qui obéissent à leurs propres règles.

«Je travaille dans le visuel, je ne travaille pas dans l'écriture de notes ou de partitions, confirme Julien Sagot, au bout du fil. C'est mon école, c'est comme ça que j'ai appris. J'ai essayé de garder une ambiance assez cinématographique. C'est de cette façon que je vois vraiment la musique, avec beaucoup de couleurs.»

Quand on pense au parcours de Karkwa dans les dernières années, on se demande comment le percussionniste du groupe a pu trouver le temps d'écrire un album solo. L'auteur-compositeur-interprète a mis à profit les vacances et les déplacements en tournée pour échafauder son propre répertoire. Pourtant, selon ses dires, il n'a jamais ressenti la «nécessité absolue» de pren­dre l'avant-scène. Ce sont plutôt les circonstances qui ont provoqué son aventure de chanteur, dans laquelle il a plongé entouré de Simon Angell à la réalisation et de Leif Vollebekk aux arrangements.

«J'ai tellement de liberté avec Karkwa, je suis tellement bien avec ce groupe, assure-t-il. Je ne sentais pas le besoin de partir faire ma carrière solo. Mais je voyais que les gars étaient fatigués. Je voyais la pause arriver. J'ai senti qu'il était temps que je sorte mes affaires. Je ne voulais pas me retrouver à travailler sur des projets pour les autres.»

Beuys et les surréalistes

Si Julien Sagot regarde ses compositions avec un oeil de cinéaste, ce sont les arts visuels qui lui ont inspiré le titre de son album, plus précisément une installation de l'artiste allemand Joseph Beuys : un piano à queue recouvert de feutrine et orné d'une croix rouge. L'image de Piano mal s'est imposée.

«C'est tout de suite venu me chercher, raconte le musicien. Pour moi, ça représentait un piano qui voulait guérir des maux ou un piano qui avait souffert et qui avait été recouvert de feutre pour le protéger. J'ai eu un flash. Et je trouvais ça drôle de mettre un sentiment dans un instrument de musique.»

Inspiré par les surréalistes, Julien Sagot a laissé sa plume s'envoler dans un univers onirique qui pourrait en déstabiliser certains. De son côté, le parolier y puise une liberté qui lui est chère. «J'aime sentir qu'il n'y a pas de filet dans les textes, indique-t-il. À travers la poésie d'André Breton ou de Boris Vian, je sens que d'un seul coup, c'est ouvert, qu'on respire... Il y a des gens qui vont dire que c'est barbare, hermétique ou ennuyant. C'est sûr que la poésie ne plaît pas aux gens qui sont gavés, qui sont dans le confort ou dans le luxe. Ça ne les intéresse pas parce que ça demande un certain effort. Mais pour les gens qui sont plus dans le rêve, je trouve que c'est une bonne échappatoire, surtout dans les périodes gri­ses que l'on vit.»

Alors que la formation Karkwa s'offre une pause bien méritée, Julien Sagot s'apprête à prendre la route avec son propre groupe. On aura deux occasions de le voir au Théâtre Petit Champlain dans les prochains mois. Les pièces de Piano mal côtoieront certainement des reprises, mais le chanteur n'a pas encore choisi avec quelles oeuvres il complétera son programme.

«Je suis en train de penser à quel genre de chanson je pourrais chanter si ce n'est pas de mon cru, admet-il. Il va falloir que je m'apparente à quelque chose. Je vais peut-être prendre un texte d'Edgar Allan Poe et le reprendre dans une version tribale... Je ne sais pas du tout encore! Ça va être une surprise!»

Article de Geneviève Bouchard, Le Soleil, publié le 28 janvier 2012

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