lundi 30 janvier 2012

Julien Sagot: audace musicale

L’année de « pause » de Karkwa s’amorce officiellement mardi avec le lancement du premier album individuel de l’un de ses membres, Julien Sagot. Avec Piano mal, le percussionniste nous démontre un registre étendu d’influences et une audace qui rime avec recherche expérimentale.

Je devais bien être le 37e à interviewer Julien Sagot au moment de notre entrevue la semaine dernière. Il m’a même contacté un bon quart d’heure avant l’heure prévue, de peur d’être en retard. Il est vrai que c’est rarement lui qui cause avec les médias lorsque Karkwa est dans l’équation. Au point où il semblait être étonné de l’intérêt que l’on portait à son projet.

«Je ne m’attendais pas à tant d’entrevues, lance-t-il en riant, de sa voix vive teintée de son accent parisien natal. Peut-être que j’étais naïf… »

Naïf ? Peut-être. Peut-être est-ce tout simplement parce l’aventure solo n’était pas obligatoirement à l’agenda de Sagot il y a cinq ou dix ans. De la musique, ça, oui, il voulait en faire. Mais créer de son propre chef n’était certes pas sa priorité.

«Ça fait peut-être deux ou trois ans que je ramasse des bouts de chansons, des parcelles de musique. Je n’avais pas nécessairement pensé à faire un album solo. Mon rêve, ça a toujours été de jouer avec Karkwa. Les gars m’ont souvent proposé de chanter et de composer plus souvent dans le band, note celui que l’on peut entendre notamment dans les chansons Pilli-pilli et La Mouche. Ça a toujours été très démocratique, mais je n’ai jamais senti le besoin de faire un disque.»

L’incitatif

Entre deux albums et tournées de Karkwa, quelque part au Québec ou en Europe, Sagot enregistrait des choses, ici et là. Rien de vraiment précis. Le déclic est survenu un peu beaucoup grâce à Sandy Boutin, l’impresario du groupe.

«J’étais en train de faire mes premières ébauches de démos quand Sandy a écouté ce que je faisais et m’a demandé si je voulais faire un disque. A ce moment, on était dans le jus avec les tournées, les prix, les albums… Mais quand on a décidé de faire une pause, ça a comme été le coup de pied… J’ai dit « OK. Let’s go » ».

L’auditeur n’a pas dix minutes d’écoute de Piano mal derrière l’oreille que le constat est limpide. Julien Sagot ne fait pas du Karkwa sans Karkwa. C’est bien. En fait, Julien Sagot fait des choses que peu d’artistes québécois font. C’est mieux. Soit dit en passant, Piano mal est l’appellation d’une sculpture de l’Allemand Joseph Beuys.

Avec Simon Angell – guitariste de Patrick Watson et membre de Thus Owls – et Leïf Vollebeck à ses côtés, Sagot nous propose un voyage sonore extrêmement diversifié.

«C’est parce que j’ai plus travaillé les chansons à l’unité que le disque comme un tout. Chacune suggère une musique, un personnage des fois… Il y a des chansons plus narratives et je varie beaucoup les ambiances. Il y a quelques affaires farfelues et un peu fuckées (petit rire) Avec ma voix, je me suis amusé. J’ai parfois forcé des affaires où j’ai voulu être plus crooner. Il y a un aspect théâtral.»

Avec Sagot, on plane, on s’interroge, on est parfois hypnotisé par les motifs et les textures qu’il travaille en boucle et force est d’admettre que l’enrobage que l’on découvre est digne d’intérêt.

«Je suis arrivé avec mes maquettes et Simon et Leïf m’ont amené là où je voulais aller. Ils m’ont permis de m’ouvrir un peu plus. Il y a des pièces instrumentales, il y a de la couleur…

- Il y a même de fortes influences psychédéliques.

« Psychédéliques ? Oui. J’assume. En fait, si Leïf (ndlr : un musicien très organique d’allégeance folk) n’avait pas été là, ce disque aurait été complètement psychédélique, s’esclaffe Sagot. Il nous a ramenés à la réalité. L’aspect pop de l’album, c’est le plus loin que je pouvais aller. Mais l’aspect expérimental, ça, je peux aller encore plus loin. »

A l’écoute de certaines compositions denses, dignes d’une trame sonore de film noir, en écoutant les textes imagés et les bruitages, on se dit que ce disque a été conçu avant tout pour une écoute attentive, pas pour la scène.

«On ne s’est même pas posé cette question. On a essayé d’aller le plus loin possible en studio. Mais je suis en train de préparer cinq chansons pour jouer au lancement, et je réalise qu’elles sont très malléables pour la scène. »

Cela demeure très relatif, mais s’il fallait noter une surprise, c’est que le disque est beaucoup moins percussif à ce qu’on s’attendait… de la part d’un percussionniste qui sait jouer d’autres instruments.

«Je ne voulais pas d’un album axé sur la percussion. Depuis toujours, le piano me sécurise. Mais pour moi, le piano demeure un instrument percussif.

- Si c’est Jerry Lee Lewis ou Tigran Hasmayan qui en joue, oui.

«Ou dans l’ensemble de la musique cubaine, où le piano joue de pair avec les percussions.»

Nous sommes d’accord.


Julien Sagot, Piano mal (Simone), en magasin et en ligne, mardi.
Lancement, mercredi 1er février, à La Tulipe
Spectacle, vendredi 20 avril, à La Tulipe

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