vendredi 20 juillet 2012

Julien Sagot plane jusqu'à La Nouvelle Scène

Julien Sagot joue de tout: du piano, des percussions (on l'a connu comme batteur de Karkwa, tapotant sur des bouteilles en verre), de la guitare et même des congas, tout, sauf du violon. «Oui, et heureusement», se réjouit-il à quelques jours de son concert à Ottawa.

Cette fois, à ni oui ni non, le chanteur ne pourrait qu'opiner du chef. Un vilain torticolis lui a ôté la négation. Une aubaine, imagine-t-on, pour interroger l'artiste sur sa première expérience de tournée comme leader de groupe, avec son album solo, Piano Mal, qu'il présentera en concert à La Nouvelle Scène vendredi prochain.

Une chance inouïe pour qui veut le faire parler sur ses projets futurs avec Karkwa. Le silence d'une petite douleur musculaire? Il n'en est rien: «Oui, je pense que Karkwa va continuer. Certainement pas dans l'immédiat, parce que Louis-Jean Cormier va sortir son album en septembre et que chacun fait ses petites affaires. Car je crois que c'est essentiel de se réaliser. Vers la fin, je commençais à ne plus trop savoir ce que j'apportais au groupe. C'est important de se retrouver face à soi-même», confie-t-il, galvanisé par ce voyage en solo dont il dirige le gouvernail auprès de cinq musiciens.

Le mini-orchestre, qui comprend notamment le bassiste de Karkwa, Martin Lamontagne, l'invite à voguer aux quatre vents de l'expérimentation, quitte à s'aventurer dans des zones de turbulences plus ou moins houleuses. Tant que le public embarque...

Sur scène, ils s'amusent, se provoquent, laissent échapper des chansons qui dérivent et les rattrapent au vol, feront découvrir des inédits et des reprises: «Je n'avais pas envie d'avoir toujours un texte et d'y mettre de la musique, selon l'alternance couplet, refrain, couplet, refrain. Non...» Contraction douloureuse.

À l'écoute, Piano mal révèle un univers sonore bien différent de celui de Karkwa, étonnant par ses ambiances planantes et sombres, parfois surréalistes, où le piano prédomine. Une touche noire, une touche blanche, l'univers de Julien Sagot préfère se réfugier derrière le chic de la simplicité rétro plutôt que de frimer dans les couleurs HD de la modernité.

«La couleur, ça a été la pire ennemie du cinéma. C'est trop clair, trop explicite, ça me fait penser à un film porno trash où la fille enlèverait tout d'un seul coup. Si mon concert devait être une image, ce serait certainement une séquence du film 8 1/2 de Fellini. La scène où il se voit au bout d'un cerf-volant», pose-t-il poétiquement dans la conversation.

Plan en contre-plongée, peut-être aussi pour mieux prendre du recul sur sa carrière et «faire le point sur ce qui a déjà été fait». Oublier les déceptions des concerts à Copenhague où il y avait plus de gens sur scène que dans le public. Laisser derrière lui les tournées éreintantes et infructueuses aux États-Unis. Mais attention, à trop jouer du cerf-volant, on finit par avoir mal... au cou!

«Je n'avais plus envie de courir comme une girouette, confie-t-il. Je suis conscient qu'il faut que je fasse mes preuves car je n'étais pas leader de Karkwa. J'apprends juste à voler».
Article de Maud Cucchi, Le Droit, Publié le 20 juillet 2012

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