mercredi 4 avril 2012

Salut Sagot !


En prévision de son prochain spectacle à la Galerie d'art du Vieux Saint-Rose, j'ai rencontré le percussionniste de Karkwa qui a récemment lancé son album solo. Julien Sagot a répondu à mes questions sur son excellent travail, qui berce mes oreilles depuis quelques semaines.

Depuis combien de temps avais-tu en tête de faire un projet solo?

Je ne pense pas que c'était prévu. C'est-à-dire que je ramassais des petits bouts de chansons sur le coin d'une table. Pour moi, c'était plus un trip personnel. Je n'avais pas vraiment l'idée de faire un album. C'est arrivé quand on a décidé de faire un break avec Karkwa dans la dernière année et c'était un moment idéal. Mais je peux dire que ça fait maintenant deux ans que je travaille là-dessus. Je suis arrivé en studio et il me manquait peut-être deux ou trois chansons, mais à partir de là tout s'est fait très rapidement. Une fois que j'ai dit « OK, je vais faire un disque », ça devient une chose sérieuse. Si je veux faire un album dans de belles conditions, c'est sur que ça va coûter un peu d'argent. C'est, soit tu le fais à fond ou soit tu ne le fais pas. J'ai dû prendre la décision de faire l'album avec tout ce qui venait avec : les entrevues et le côté commercial.

Étant habitué d'être avec ton groupe, avais-tu quelques craintes en partant ton projet solo?

Mets-en! C'est sûr! C'était surtout le défi du frontman et d'avoir tout le projet à porter sur mon dos qui m'inquiétait. J'avais surtout une crainte par rapport à l'organisation du personnel, parce que moi, je suis très mauvais pour organiser (rire). Ça ne fait pas longtemps que je réponds à mes courriels et par la même occasion, que je suis à mon affaire. C'est pour ça que j'étais bien derrière Karkwa, à juste me pointer aux spectacles ou écrire une chanson ici et là.

Il y a une très belle ambiance sur ton album. C'était quoi ta méthode de travail pour arriver à ce résultat?

J'y vais beaucoup d'une façon esthétique au niveau de la résonance, bien plus que le sens. J'aime comment un mot sonne. J'utilise plus les mots comme un instrument. Je ne fais pas des musiques complexes non plus, elles sont assez aériennes. Le tout est beaucoup habillé dans l'effet sonore. Moi, j'écoute de tout. J'aime le jazz, le punk, plein de styles. Je suis toujours en train de chercher des musiques et des sons, autant dans la musique contemporaine que le pop. Je n'arrive pas à me trouver une place dans un monde.

Dans l'écriture, je m'aperçois que j'aime beaucoup la fuite. Les écritures sérieuses ou de quotidien, ça m'ennuie. L'avenir me fait un peu peur et donc, je suis plus porté à me sauver du quotidien et à raconter des histoires qui n'ont ni queue ni tête. Je trouve qu'on manque un peu d'air dans notre société, donc j'ai vraiment besoin de me changer les idées. Il faut que je me passe la tête dans le tordeur pour me faire shaker le cerveau, sans utiliser la consommation de narcotiques ou autres substances (rire)!

Tu es très inspiré par le surréalisme. As-tu utilisé l'écriture automatique pour ton album?

J'en ai fait pour Piano mal. C'est la chanson où j'ai vraiment  fait de l'écriture automatique d'un bout à l'autre. Je suis content du résultat. En même temps, ça a plein de sens pour moi. Même dans ce que j'écoute comme musique je ne cherche pas nécessairement le premier degré. Je vais toujours au deuxième et même au troisième degré. J'aime laisser des bouts à l'auditeur et qu'il prenne ça en charge. J'aime bien faire travailler le monde, ça doit être un côté paresseux (rire)!

On peut se l'avouer, ton album ne jouera probablement pas sur les ondes des radios commerciales. Est-ce que ça t'offusque?

Ah non! Je savais que ça ne marcherait pas de ce côté-là. De toute façon, il n'y a plus rien qui passe à la radio commerciale. Je pense que la radio a décidé de bouder et de prendre une décision un peu étrange, que je ne comprends pas du tout. Je n'ai pas l'impression qu'on a une vision d'artistes de l'avenir au Québec. Autant dans les arts qu'en politique, on a vraiment une vision à court terme. On a des produits et des politiques efficaces pour aujourd'hui seulement. Mais demain ce n’est pas grave, on brûle nos ressources et on prend tout ce qui a à prendre. Mais, ce n'est pas parce que c'est populaire que ce n'est pas de qualité. À l'époque, Stevie Wonder c'était super commercial! Les radios et les chaînes supposées de faire la diffusion de projets artistiques ont comme mandat les cotes d'écoute et ce que les gens veulent écouter. Mais si on attend après les gens, ce qu'on aura sera très pauvre. C'est un peu dommage.

Est-ce que tu t'es gardé des limites en faisant ton album? Aurais-tu pu être encore plus fou?

Au niveau de mes connaissances, je suis allé au bout de ce que je pouvais faire. Plus fou, peut-être, oui. Mais plus commerciale, je ne sais pas. Je ne crois pas. Mais en même temps, il y a des choses que j'aime qui sont vraiment pop et même quétaines! J'ai de la misère à définir ce qui est populaire ou ce qui est underground. Je n'arrive pas à déterminer la marge entre les deux. C'est un peu bizarre de toujours vouloir classifier l'art. Je ne prends pas mon crayon pour me demander si je vais être assez expérimental, par exemple. Ça vient comme ça, et après on construit avec ce que ça donne.

Je sais que tu as collaboré avec Leif Vollebekk et Simon Angell, le guitariste de Patrick Watson. Pourquoi cette collaboration?

Parce que je les respectent énormément comme musiciens et qu'ils sont accomplis. Ils ont fait leurs albums et donc, ils ont atteint une belle maturité à ce niveau. Je me sentais en sécurité d'aller en studio avec ces deux gars-là. On était en business, comme on dit, j'étais dans ma Cadillac (rire).

Quand tu étais avec Karkwa avant ton album solo, est-ce que tu te sentais restreint?

C'est sûr que c'est une autre approche. Mais, je n'ai jamais senti que j'étais restreint avec Karkwa, car je marchais beaucoup par automatisme. C'est-à-dire que j'ai réalisé que j'embarquais facilement dans un camion pour les tournées. C'était tellement un tourbillon, Karkwa, où penser à autre chose était plus ou moins une option. Toute la tournée et les prix qu'on a gagnés, c'était un peu hypnotisant. Je ne pensais même pas au jour où il y aurait un temps d'arrêt comme en ce moment. J'ai appris beaucoup avec Karkwa. Si mon album sonne plus ou moins comme cette musique-là, c'est que Karkwa n'est pas loin de moi et de mes influences. Il y en a qui vont dire que ça ne ressemble pas du tout, mais je trouve qu'il y a une affinité quand même.



Tu as intitulé ton album Piano mal. Je sais que tu t'es inspiré d'une œuvre de Joseph Beuys, qui s'appelle Infiltration homogène pour piano à queue. Pourquoi cette image en particulier?

Je ne sais pas, ça a réveillé quelque chose en moi. Le piano a toujours été un instrument qui m'a bercé. Il y a toujours un piano chez un oncle, une tante ou pas trop loin. Le piano m'a réconforté même à l'adolescence ou quand j'étais troublé, c'était thérapeutique pour moi. Quand j'ai vu ce piano recouvert d'un grand feutre avec le signe de la croix rouge, je trouvais qu'il y avait un lien avec mon sentiment pour cet instrument. L'image couvre l'objet d'une couverture protectrice. J'ai découvert Joseph Beuys il y a à peu près deux ans et j'ai capoté sur tout ce qu'il faisait!

Ton spectacle avec la Scène 1425 a lieu le 6 avril prochain! On peut s'attendre à quoi pour cette représentation?

Heu... Comment est-ce que je vais faire?... (rire) Je vais faire les chansons du disque, mais plus étirées. Il va y avoir des moments un peu plus libres. Je vais essayer de me lancer dans des histoires d'ambiance. Ça va être assez tranquille quand même. De toute façon ce n’est pas un disque de danse, c'est plus de la musique d'intérieur et hivernale on peut dire (rire). Par exemple, vous pouvez y aller à n'importe quel âge. Ce n'est pas un show de pépères non plus (rire)!

* * * * *
Je vous le confie, je ne me détache plus de cet album. De découvrir que son créateur est une personne si attachante, je ne m'en trouve que plus réjouie! Vous pouvez vous procurer son disque directement sur son site Internet. Ne manquez surtout pas son spectacle à Laval, le 6 avril prochain. Bon show! 

Auteur: Catherine Dupras, Scène1425, date: Mardi 3 avril 2012

Photographies: Cindy Boyce

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